Le mandat d’Arrêt européen



Le mandat d’arrêt européen (MAE) est une décision judiciaire émise par un Etat membre de l’Union européenne (l’Etat membre d’émission), en vue de l’arrestation et de la remise par un autre Etat membre (l’Etat membre d’exécution), d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

Le mandat d’arrêt européen représente une révolution dans la pratique de la coopération judiciaire européenne.

Il a pour origine la décision-cadre du Conseil de l’Union européenne du 13 juin 2002, et trouve ses fondations dans :

  • Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales entre les Etats membres de l’Union européenne ;
  • Le souhait de voir supprimées les difficultés liées aux extraditions au sein de l’Union européenne.

Cette décision a été transposée en droit français par la décision constitutionnelle du 25 mars 2003 : désormais, le mandat d’arrêt européen est prévu aux articles 695-11 et suivants du Code de procédure pénale.

Les règles et les conditions qui suivent sont relatives au mandat d’arrêt européen (la procédure de remise entre Etats membres de l’Union européenne*). D’autres règles régissent les extraditions entre la France et un Etat non-membre de l’Union européenne : les Conventions internationales ou le droit commun français de l’extradition.

*Le mandat d’arrêt européen s’applique ainsi entre les Etats suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède.

I. Les faits pouvant donner lieu à l’émission d’un mandat d’arrêt européen
II. La procédure de remise lorsque la France est l’Etat membre d’émission
III. La procédure de remise lorsque la France est l’Etat membre d’exécution
IV. Les moyens permettant de s’opposer à la remise d’une personne recherchée

I. Les faits pouvant donner lieu à l’émission d’un mandat d’arrêt européen

Le mandat d’arrêt européen peut viser toute personne suspectée ou condamnée dans un Etat membre en tant qu’auteur, coauteur ou complice d’une infraction ou de sa tentative.

Les faits pouvant donner lieu à l’émission d’un mandat d’arrêt européen sont :

  • Les faits punis d’une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à un an ou, lorsqu’une condamnation à une peine est déjà intervenue, la peine prononcée égale ou supérieure à quatre mois d’emprisonnement
  • Les faits punis d’une mesure de sûreté privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à un an ou, lorsqu’une mesure de sûreté a été infligée, une durée à subir égale ou supérieure à quatre mois d’emprisonnement

II. La procédure de remise lorsque la France est l’Etat membre d’émission

  1. Les renseignements contenus dans le mandat d’arrêt européen

Le mandat d’arrêt européen doit contenir les renseignements suivants :

  • L’identité et la nationalité de la personne recherchée
  • La désignation précise et les coordonnées de l’autorité judiciaire dont il émane
  • L’indication de l’existence d’un jugement exécutoire, d’un mandat d’arrêt ou de toute autre décision judiciaire ayant la même force selon la législation de l’Etat membre d’émission
  • La nature et la qualification juridique de l’infraction
  • La date, le lieu et les circonstances dans lesquels l’infraction a été commise ainsi que le degré de participation de la personne recherchée
  • La peine prononcée ou les peines prévues selon la loi de l’Etat membre d’émission

Ce mandat d’arrêt européen doit être traduit dans la ou les langues de l’Etat membre d’exécution, ou a minima dans l’une des langues officielles des institutions européennes acceptées par cet Etat.

  1. La demande de remise adressée à un autre Etat membre

Lorsque la personne recherchée se trouve en un lieu connu sur le territoire d’un autre Etat membre, le mandat d’arrêt européen peut être adressé directement à l’autorité judiciaire de cet Etat, par tout moyen laissant une trace écrite. Dans les autres cas, il convient de faire un signalement via le système d’information Schengen ou via Interpol.

En pratique, le ministère public près la juridiction d’instruction, de jugement ou d’application des peines ayant décerné un mandat d’arrêt met celui-ci à exécution sous la forme d’un mandat d’arrêt européen, soit à la demande de la juridiction, soit d’office.

Lorsque le ministère public a été informé de l’arrestation de la personne recherchée, il adresse sans délai au Ministre de la Justice une copie du mandat d’arrêt transmis à l’autorité judiciaire de l’Etat membre d’exécution.

  1. Les effets du mandat d’arrêt européen

La personne remise à la France après l’exécution d’un mandat d’arrêt européen ne peut être poursuivie, condamnée ou détenue en vue de l’exécution d’une peine privative de liberté pour un fait antérieur à la remise et autre que celui qui a motivé le mandat d’arrêt européen, sauf dans l’un des cas suivants :

  • La personne a renoncé expressément au bénéfice de cette règle, soit au moment où elle consent à sa remise soit après sa remise
  • La personne renonce expressément, après sa remise, au bénéfice de la règle de la spécialité
  • L’autorité judiciaire de l’Etat membre d’exécution, qui a remis la personne, y consent expressément
  • La personne recherchée n’a pas quitté le territoire national dans les quarante-cinq jours suivant sa libération définitive, ou elle y est retournée volontairement après l’avoir quitté, alors qu’elle n’y était pas obligée
  • L’infraction n’est pas punie d’une peine privative de liberté

III. La procédure de remise lorsque la France est l’Etat membre d’exécution

  1. La demande de remise adressée au procureur général territorialement compétent

Lorsqu’il est établi que la personne recherchée se trouve en France, la demande de remise est adressée au procureur général territorialement compétent : c’est lui qui reçoit et exécute la demande après avoir saisi la Chambre de l’Instruction.

  1. La comparution de la personne devant le procureur général

A la suite de son arrestation, la personne recherchée doit être conduite dans les 48 heures devant le procureur général territorialement compétent. Pendant ce délai, elle dispose des droits du gardé à vue.

Le procureur général vérifie l’identité de la personne et l’informe :

  • De l’existence et du contenu du mandat d’arrêt européen
  • De sa possibilité d’être assistée par un avocat
  • De sa faculté de consentir ou de s’opposer à sa remise et des conséquences juridiques résultant de ce consentement ;
  • De sa faculté de renoncer à la règle de la spécialité, c’est-à-dire la règle selon laquelle la personne remise à l’Etat membre d’émission après l’exécution d’un mandat d’arrêt européen ne peut être poursuivie, condamnée ou détenue en vue de l’exécution d’une peine privative de liberté pour un fait antérieur à la remise et autre que celui qui a motivé le mandat d’arrêt européen

La personne recherchée est incarcérée, à moins que sa représentation à tous les actes de la procédure soit suffisamment garantie. La personne recherchée peut demander sa mise en liberté à tout moment, à la Chambre de l’Instruction, et peut être placée sous contrôle judiciaire.

  1. La comparution de la personne devant la Chambre de l’Instruction

La personne recherchée doit ensuite comparaître devant la Chambre de l’Instruction dans un délai de cinq jours ouvrables à compter de sa présentation au procureur général.

Cette audience est en principe publique.

Après avoir été informée des conséquences juridiques, la personne recherchée doit déclarer :

  • Si elle consent à sa remise ; et
  • Si elle renonce à la règle de spécialité

Le consentement de la personne recherchée n’est pas requis pour l’exécution du mandat d’arrêt européen, mais il permet d’accélérer la procédure.

Si la personne recherchée consent à sa remise, la Chambre de l’Instruction, après avoir constaté que les conditions légales d’exécution du mandat d’arrêt européen sont remplies, statue dans les sept jours de la comparution de la personne recherchée, à moins qu’un complément d’information n’ait été ordonné. La décision rendue n’est pas susceptible de recours.

Si la personne recherchée ne consent pas à sa remise, la Chambre de l’Instruction statue dans un délai de vingt jours à compter de la comparution de la personne recherchée, sauf si un complément d’information a été ordonné. Cette décision peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation par le procureur général ou par la personne recherchée.

L’exécution du mandat d’arrêt européen peut être subordonnée à la vérification que la personne recherchée peut :

  • Former opposition au jugement rendu en son absence et être jugé en étant présente, lorsqu’elle n’avait pas été citée ou informée de la date et du lieu de l’audience
  • Être renvoyée en France, lorsqu’elle en a la nationalité ou y a résidé régulièrement de façon ininterrompue depuis au moins cinq ans, pour y effectuer la peine éventuellement prononcée par l’autorité judiciaire de l’Etat d’émission

La Chambre de l’Instruction peut, dans un délai de dix jours à compter de la réception du mandat d’arrêt européen, demander à l’autorité judiciaire de l’Etat membre d’émission des informations complémentaires, si elle estime que celles communiquées sont insuffisantes.

Lorsque plusieurs Etats membres ont émis un mandat d’arrêt européen à l’encontre de la même personne, la Chambre de l’Instruction décide du mandat d’arrêt européen à exécuter.

  1. La remise de la personne recherchée

Le procureur général doit prendre toutes les mesures nécessaires afin que la personne recherchée soit remise à l’autorité judiciaire de l’Etat d’émission dans les dix jours suivants la décision définitive de la Chambre de l’Instruction. Si ce délai ne peut être respecté, le procureur général en informe l’autorité judiciaire de l’Etat d’émission et convient avec elle d’une nouvelle date de remise, la personne recherchée ne pouvant être remise plus de dix jours après cette date. Si ces délais ne sont pas respectés alors que la personne recherchée se trouve en détention, elle est remise en liberté d’office.

Toutefois, la remise de la personne recherchée peut être différée si :

  • Des raisons humanitaires sérieuses l’exigent, en particulier si la remise de la personne recherchée est susceptible d’avoir pour elle des conséquences graves en raison de son âge ou de son état de santé
  • La personne recherchée est poursuivie en France ou y a déjà été condamnée et doit y purger une peine en raison d’un fait autre que celui visé par le mandat d’arrêt européen

Lorsque la demande de remise a fait l’objet d’un pourvoi en cassation, le délai est porté à soixante jours, et des prolongations supplémentaires sont exceptionnellement possibles dans certains cas.

Lors de la remise, le Procureur général mentionne la durée de la détention subie sur le territoire national du fait de l’exécution du mandat d’arrêt européen, l’objectif étant qu’il en soit tenu compte dans l’Etat membre d’émission.

Note : la personne remise à l’Etat membre d’émission après l’exécution d’un mandat d’arrêt européen ne peut être poursuivie, condamnée ou détenue en vue de l’exécution d’une peine privative de liberté pour un fait antérieur à la remise et autre que celui qui a motivé le mandat d’arrêt européen, sauf dans l’un des cas suivants :

  • La personne a renoncé expressément au bénéfice de cette règle, soit au moment où elle consent à sa remise soit après sa remise
  • La personne renonce expressément, après sa remise, au bénéfice de la règle de la spécialité
  • L’autorité judiciaire de l’Etat membre d’exécution, qui a remis la personne, y consent expressément
  • La personne recherchée n’a pas quitté le territoire national dans les quarante-cinq jours suivant sa libération définitive, ou elle y est retournée volontairement après l’avoir quitté, alors qu’elle n’y était pas obligée
  • L’infraction n’est pas punie d’une peine privative de liberté

IV. Les moyens permettant de s’opposer à la remise d’une personne recherchée

  1. Les cas de refus obligatoires de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen

L’exécution d’un mandat d’arrêt européen est obligatoirement refusée dans les cas suivants :

  • L’action publique est éteinte par l’amnistie
  • La personne recherchée a déjà fait l’objet d’une décision définitive pour les mêmes faits, et la peine a été exécutée, est en cours d’exécution ou ne peut plus être amenée à exécution selon les lois de l’Etat de condamnation (principe non bis in idem)
  • La personne recherchée était âgée de moins de treize ans au moment des faits
  • Il est établi que le mandat d’arrêt a été émis dans le but de poursuivre ou de condamner une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle, ou qu’il peut être porté atteinte à la situation de cette personne pour l’une de ces raisons
  1. Les cas de refus facultatifs de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen

L’exécution d’un mandat d’arrêt européen peut être refusée :

  • Si, pour les faits faisant l’objet du mandat d’arrêt européen, la personne recherchée fait l’objet de poursuites devant les juridictions françaises ou si celles-ci ont décidé de ne pas engager les poursuites ou d’y mettre fin
  • Si la personne recherchée pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privative de liberté est de nationalité française ou réside régulièrement de façon ininterrompue sur le territoire national et si la décision de condamnation est exécutoire en France
  • Si les faits ont été commis, en tout ou en partie, sur le territoire français
  • Si l’infraction a été commise hors du territoire de l’Etat membre d’émission et que la loi française n’autorise pas la poursuite de l’infraction lorsqu’elle est commise hors du territoire national
  • Si la personne recherchée a fait l’objet, par les autorités judiciaires d’un Etat tiers, d’une décision définitive pour les mêmes faits que ceux faisant l’objet du mandat d’arrêt européen, à condition, en cas de condamnation, que la peine ait été exécutée ou soit en cours d’exécution ou ne puisse plus être ramenée à exécution selon les lois de l’Etat de condamnation
  • Si les faits pour lesquels le mandat d’arrêt européen a été émis pouvaient être poursuivis et jugés par les juridictions françaises et si la prescription de l’action publique ou de la peine se trouve acquise

L’exécution d’un mandat d’arrêt européen peut également être refusée si le fait faisant l’objet dudit mandat d’arrêt ne constitue pas une infraction au regard de la loi française : c’est le contrôle de la double incrimination des faits reprochés.

Ce contrôle n’est néanmoins pas effectué lorsque les faits :

  • Sont punis, selon la loi de l’Etat membre d’émission, d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à trois ans ; et
  • Entrent dans l’une des catégories d’infractions énumérées à l’article 695-32 du Code de procédure pénale, telles que la participation à une organisation criminelle, le terrorisme, l’exploitation sexuelle des enfants et pornographie infantile, le trafic illicite de stupéfiants, la corruption, le blanchiment, la cybercriminalité, l’homicide volontaire et le viol

Enfin, lorsque le mandat d’arrêt européen est émis aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privative de liberté, son exécution peut être refusée dans le cas où l’intéressé n’a pas comparu en personne lors du procès à l’issue duquel la peine ou la mesure de sûreté a été prononcée sauf si, selon les indications portées par l’Etat membre d’émission dans le mandat d’arrêt européen, il se trouve dans l’un des cas suivants :

  • Il a été informé dans les formes légales et effectivement, de manière non équivoque, en temps utile, par voie de citation ou par tout autre moyen, de la date et du lieu fixés pour le procès et de la possibilité qu’une décision puisse être rendue à son encontre en cas de non-comparution
  • Ayant eu connaissance de la date et du lieu du procès, il a été défendu pendant celui-ci par un conseil, désigné soit par lui-même, soit à la demande de l’autorité publique, auquel il avait donné mandat à cet effet
  • Ayant reçu signification de la décision et ayant été expressément informé de son droit d’exercer à l’encontre de celle-ci un recours permettant d’obtenir un nouvel examen de l’affaire au fond, en sa présence, par une juridiction ayant le pouvoir de prendre une décision annulant la décision initiale ou se substituant à celle-ci, il a indiqué expressément qu’il ne contestait pas la décision initiale ou n’a pas exercé dans le délai imparti le recours qui lui était ouvert
  • La décision dont il n’a pas reçu signification doit lui être signifiée dès sa remise lors de laquelle il est en outre informé de la possibilité d’exercer le recours prévu au 3° ainsi que du délai imparti pour l’exercer

Tout refus d’exécuter un mandat d’arrêt européen doit être motivé.

Date de l’article : 4 juillet 2023 | Par Lois Pamela LESOT